Généalogie et Histoire
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"Des maires pas élus"

L'Alsace, éd. de Guebwiller, 11.3.2001

C'est aujourd'hui que les électeurs sont appelés aux urnes pour désigner leurs maires, une fonction mise en place par Bonaparte il y a un peu plus de 200 ans. Retour sur une époque où les premiers magistrats n'étaient pas élus par leurs concitoyens mais nommés par le pouvoir central.

L'histoire du maire commence de manière éphémère en 1789 avec la Révolution française : c'est par ce terme qu'est désigné le premier magistrat chargé de présider les conseils municipaux nouvellement mis en place. Supprimée dès 1795, l'institution renaît en 1800 lorsque Bonaparte fixe durablement les structures de l'administration française. Depuis deux siècles, le maire exerce dans sa commune la double fonction d'administrateur et d'agent de l'État. Mais ne nous y trompons pas. Pendant tout le XIXe siècle, à l'exception de courtes parenthèses commes celles de 1815 et 1848, il est surtout considéré comme un représentant du pouvoir central, nommé et révoqué par le préfet.

Pouvoir économique et notoriété

Dans les villages dont l'activité agricole est dominante au moins jusqu'en 1945, l'origine sociale des maires est généralement identique. Dans plus de 80 % des cas, ils se définissent comme cultivateurs. Ce terme, très imprécis, recouvre une large palette de statuts sociaux. Mais au vu de l'état de leur fortune, on constate que les maires tirant leurs revenus de la terre ne sont jamais journaliers mais toujours propriétaires. Dans tous les cas, ils se situent au sommet de la hiérarchie sociale villageoise et appartiennent à la fraction aisée de leur commune, d'autant que leur fonction ne leur donne droit à aucune indemnité. Ainsi, en 1848, avant l'instauration du suffrage universel, le maire Joseph Heinrich figure-t-il en première position sur la liste des personnes de Gueberschwihr les plus imposées et possédant le droit de vote. Les autres professions représentées sont diverses : l'artisanat rural est relativement présent, mais il peut s'agir également d'une activité complémentaire au travail de la terre. Et bien que suscitant la méfiance de l'administration et de l'Église, des aubergistes peuvent devenir maires comme Jean- Louis Siffert en 1830 à Pulversheim. Enfin, les militaires, vétérans des armées napoléoniennes et auréolés de gloire, sont représentés surtout durant le premier tiers du XIXe siècle. Ce sont des enfants du pays comme Dominique Meyer, un capitaine en retraite nommé à Bergholtz en 1823, ou de nouveaux venus dans la commune, à l'instar du Sélestadien Jean-Baptiste de Watrigant en 1822 à Ensisheim. Ils sont appréciés pour leur notoriété et leur connaissance du français. Dans les villes, notamment à Guebwiller où l'activité manufactière est intense, les industriels monopolisent la fonction. Comme dans les villages, la domination économique s'accompagne d'une domination politique.

Maires de père en fils ?

Certaines familles bénéficiant d'une forte notoriété, d'un réseau de relations très important et du pouvoir économique tendent à accaparer la fonction. Peu à peu se mettent en place des dynasties de maires. À Gundolsheim, les familles Gross et Moeglin se partagent le pouvoir ; François Xavier et Dominique Gross accèdent à la fonction quelques années après leur père Marc Gross, maire de 1800 à 1810. Un troisième fils est, quant à lui, choisi à Orschwihr. Quant à Romain Moeglin, il exerce son autorité pendant plus de 40 ans, dans la deuxième moitié du XIXe siècle ! Autant que les liens de parenté, l'origine géographique constitue un critère décisif du choix des candidats. Généralement, le maire est né dans la commune, ou au moins marié ou installé depuis une période assez longue. Rouffach paraît constituer une exception : selon l'historien Bernard Vogler, sur les onze maires en fonction avant 1870, un seul est né sur place. Ce sont généralement des hommes d'âge mûr, ils ont souvent aux alentours de 50 ans, bénéficiant de la sagesse et de l'expérience, de l'honorabilité, d'une bonne moralité et autant que possible d'un minimum d'instruction. Dans les petits villages, les maires sont difficiles à recruter en raison du bas niveau de culture et d'une mauvaise connaissance du français. Le préfet se laisse alors facilement guidé dans son choix par une personnalité influente : en 1854, est nommé à Buhl un viticulteur recommandé par l'industriel Nicolas Schlumberger.

Une personnalité appréciée de la population

Préférence accordée aux hommes du pays, importance de la propriété foncière et de l'activité agricole, accaparement du pouvoir par certaines familles. Autant de caractéristiques propres au XIXe siècle qui se vérifient de moins en moins aujourd'hui : depuis 1945, la fonction est accessible aux femmes et la récente loi sur la parité devrait contribuer à accroître leur influence. Les agriculteurs perdent leur primauté, même dans les villages. Enfin, les maires installés de fraîche date dans leur commune ne constituent plus des exceptions. Bien que nommés pendant plus d'un siècle par le pouvoir central, les maires ont acquis une forte notoriété. Celle-ci ne s'est pas démentie depuis 1919, date à laquelle en Alsace ils ont été désignés pour la première fois par les conseils municipaux élus au suffrage universel, comme dans le reste de la France. Aujourd'hui encore, le maire reste l'autorité la plus proche et de loin la plus appréciée des administrés.

Alain Eckes

 

La mairie d'Issenheim est quasi contemporaine de la fonction de maire.

La pierre tombale de Henry Dieudonné Schlumberger qui fut maire de Guebwiller de 1859 à 1870 et conseiller général de 1861 à 1870.